Stéphane Lebreton, photographe amateur, nous partage un moment de spectacle privilégié, typique de l'hiver...
Se lever tôt en hiver, enfiler des vêtements chauds, partir alors que le ciel commence à peine à s’éclaircir pour « aller aux grues »...
Se lever tôt en hiver, enfiler des vêtements chauds, partir alors que le ciel commence à peine à s’éclaircir pour « aller aux grues », comme je dis à ma famille, c’est ainsi que démarrent un bon nombre de week-ends entre novembre et février. Ce rituel a commencé il y a une douzaine d’années maintenant, après que j’ai découvert un dortoir de grues cendrées à quelques kilomètres de la maison. J’étais déjà fasciné par ces majestueux oiseaux qui passaient au-dessus de mon domicile deux fois par an, dans de grands groupes bruyants. Et j’avais appris plus récemment, que certaines d’entre elles hivernaient dans les environs. Alors quand j’ai découvert ce dortoir, je me suis rendu régulièrement sur place, au lever du jour, pour les observer partir vers leur zone de gagnage, les compter et les photographier.
Ce qui me plaît particulièrement est l’ambiance dans laquelle je me trouve durant l’heure et demi ou les deux heures où je suis sur place. Les grues passent la nuit en bordure d’un étang privé inaccessible. Lorsque je quitte la voiture, le jour n’est donc pas tout à fait levé et tout est calme, le silence est total. Je vais me poster à l’affût sur une légère hauteur à quelques centaines de mètres de l’étang, qui reste invisible car il est cerné de boisements. Tout à coup un cri de trompette résonne dans le ciel qui blanchit. Un deuxième lui répond, puis le calme revient. Quelques minutes plus tard, ce sont plusieurs coups de trompette qui déchirent le silence. Puis la fréquence se rapproche : les cris se succèdent et emplissent l’air. L’ambiance est inattendue, ici, au centre de la France.
Tout à coup un cri de trompette résonne dans le ciel qui blanchit.
Cette fois, un cri légèrement différent retentit : par expérience, j’ai appris à les reconnaître. Je sais qu’il s’agit d’un cri qui précède un envol. Je scrute la cime des arbres et je ne tarde pas à apercevoir un petit groupe de grues qui traverse le ciel. Et c’est parti ! Tour à tour, des groupes composés d’une à quelques dizaines d’individus, quittent l’étang vers le Sud, l’Ouest ou le Nord. Elles iront se poser à quelques kilomètres. Certains vols ne passent qu’à quelques mètres au-dessus de ma tête et je peux entendre les battements d’ailes. Cette proximité me donne l’occasion de prendre des photos. Je cherche des angles variés dans des ciels qui, selon les jours sont gris et plombés, bleus froids ou orangés… Quelques fois, une poignée de grues se pose dans le champ cultivé qui s’étend devant moi. Elles se posent toujours à bonne distance car elles sont farouches, mais mon téléobjectif me donne la possibilité de faire quelques photos.
Certains vols ne passent qu’à quelques mètres au-dessus de ma tête et je peux entendre les battements d’ailes.
Le spectacle dure 30 à 45 minutes. Je compte... 500… 1000… 1500… 2000 grues partent de leur dortoir. Ce nombre est variable au cours de la saison et d’une année sur l’autre. Le record est de 2632 grues. Dans le « centre France », 12 000 à 20 000 grues hivernent chaque année.
La nature nous offre des occasions de s’émerveiller en hiver, autant qu’à d’autres saisons.
Lorsque je rentre, j’ai le sentiment d’avoir assisté à un véritable spectacle. J’ai emmené à plusieurs reprises des amis, pas nécessairement des naturalistes, qui ont tous été surpris et ont apprécié la sortie. De plus, le site se trouvant dans un secteur éloigné de l’activité humaine, cet affût aux grues donne souvent l’occasion d’apercevoir un chevreuil, un lièvre ou même un renard. Ainsi, la nature nous offre des occasions de s’émerveiller en hiver, autant qu’à d’autres saisons.
Vol de grues à l'aube © Stéphane Lebreton