Le projet Locaflore vise à mettre en place une économie circulaire vertueuse via l'étude de la composition de 6 plantes régionales. Cette étude propose ainsi une nouvelle approche pour protéger des espèces rares et menacées, valoriser des plantes communes et gérer des plantes invasives.
Locaflore consiste en l'étude et la valorisation de la biodiversité végétale présente en Centre-Val de Loire. Le projet est porté par l'Institut de Chimie Organique et Analytique d'Orléans, dans le cadre des appels à projets recherche et innovation, soutenus par la Région Centre-Val de Loire. Il est labellisé par le pôle DREAM (pôle dédié à la Durabilité de la Ressource en Eau Associée aux Milieux).
La biodiversité de la région est une richesse naturelle qui peut présenter un intérêt pour des activités à caractère économique et commercial. La connaissance approfondie des sites naturels, des écosystèmes et des plantes est ainsi une nécessité afin d'identifier ces richesses et d'inscrire sa valorisation locale dans un contexte vertueux et respectueux, soutenant et favorisant la préservation de l'environnement.
Ce projet fait donc interagir de nombreux partenaires, réunissant :
La démarche se veut V.I.P : Valorisation, Innovation, Protection, plaçant les plantes au cœur de l'économie.
L'objectif principal de ce projet consiste en la mise en place d'une économie circulaire vertueuse via l'étude des familles de molécules de 6 plantes pour en déterminer les voies de valorisation et d'exploitation possibles, avec de nombreux acteurs socio-économiques et académiques locaux.
Il s'articule donc autour des compétences et des activités pluridisciplinaires pour sélectionner, caractériser, valoriser et favoriser la conservation des plantes issues de contextes naturels locaux et participant à la biodiversité en Centre-Val de Loire.
La flore régionale est riche et de plus en plus fragile. La gestion de ce patrimoine naturel local regroupe des problématiques actuelles telles que :
Basée sur l'expertise du CBNBP, une vingtaine de plantes caractéristiques de ces problématiques a été retenue. Ce choix a été affiné par un travail de recherche bibliographique préliminaire ayant fait l'objet d'un stage de Master 2 (6 mois) encadré par la société Botanicosm'ethic en collaboration avec l’ICOA et financé par le programme régional ARD 2020 Cosmétosciences.
Suite à cette synthèse bibliographique, ce sont 6 plantes qui ont été sélectionnées.
La première expérience du collectif a été l'organisation de trois collectes sur le terrain avec FNE Centre-Val de Loire, Loiret Nature Environnement, le CBNBP, le CDHRC, l'ONF.
Après autorisation de prélèvement des plantes rares et menacées que sont l'Arnica et le Flûteau, la mise en culture a pu être initiée.
L'Arnica des montagnes a été mise en culture en pleine terre (visible sur la photo ci-dessous) au CDHRC, suite à l'obtention de graines par le CNPMAI.
Les plantes ont fleuri en fin de printemps comme dans leur milieu naturel et la reprise de la végétation après une disparition des parties aériennes durant l’hiver s’est faite naturellement. La culture sous cette forme est ainsi possible pour la conservation de l’espèce.
La floraison en fin de printemps a permis une récolte de fleurs sur lesquelles des analyses phytochimiques ont été effectuées au sein de l’ICOA UMR 7311 et comparées aux profils phytochimiques obtenus sur des fleurs d’Arnica chamissonis. Ces analyses ont montré la présence de composés phénoliques aux propriétés antioxydantes, dans les extraits réalisés à partir de l’Arnica montana cultivé au CDRH. Ces composés indiquent une composition similaire à celle de l’Arnica montana sauvage. La composition moléculaire de l’Arnica montana est proche de l’Arnica chamissonis reconnue pour être facilement cultivable et qui menace de remplacer l’Arnica montana dans des applications en santé et bien-être.
Les plants de Flûteau nageant (Luronium natans) ont quant à eux été mis en culture au sein de plaques alvéolées et placés dans des bacs de culture remplis avec de l’eau de pluie pour garder les conditions du milieu naturel (voir photo ci-dessous).
Les différents itinéraires de culture mis en place et évalués montrent que le développement aérien est stimulé par l’ajout d’engrais dans le milieu. Toutefois, une trop forte conductivité aura un effet dépressif sur le développement des plants. Pour une culture en bac, dans un but de production ou de conservation, l’oxygénation est essentielle pour permettre un bon développement de la plante et limiter l’apparition d’algues.
Les premières analyses phytochimiques des extraits ont mis en évidence des métabolites spécialisés qui n’ont jamais été étudiés pour cette plante et qui peuvent présenter des intérêts économiques de valorisation.
Dans le cadre du projet, des tests de multiplication ont été effectués et montrent que l’Arnica des montagnes est multipliable par semis des graines récoltées après floraison, et que le Flûteau nageant est multipliable par division de souches. La maîtrise de la multiplication et des itinéraires de culture ouvre ainsi des perspectives pour la sauvegarde de ces deux espèces rares ainsi que pour leur réimplantation dans leurs milieux naturels.
Une étude phytochimique sur les 6 plantes sélectionnées a été menée au sein du laboratoire d’analyse de l’ICOA afin de déterminer les familles de molécules présentes et définir ainsi les voies potentielles de valorisation et d'exploitation par les différents partenaires.
Pour commencer, les molécules de chaque plante ont été extraites par un procédé d’extraction « éco-responsable » par ultrasons. Cette méthode permet de minimiser les quantités de solvant, les temps d’extraction et il est possible d’utiliser des solvants à faible impact sur l’environnement tels que l’eau et l’éthanol. En plus de sa simplicité d’utilisation et de sa répétabilité, elle permet d’extraire un large panel de molécules présentes dans les plantes sélectionnées.
Les différents extraits sont ensuite analysés et comparés par une technique de chromatographie sur couche mince (CCM) qui permet de séparer les composés moléculaires d’un mélange. On peut ainsi révéler par exemple des flavonoïdes ou des acides phénoliques, mais aussi des sucres, des acides aminés ou d’autres familles moléculaires.
La caractérisation des molécules se poursuit avec une autre technique d’analyse, la chromatographie en phase liquide (HPLC).
Elle permet une séparation plus fine des composés et procure des informations complémentaires à la méthode précédente. Les résultats permettent de mettre en avant les nombreuses molécules présentes dans chacune des plantes. Chaque pic obtenu sur le diagramme présentant les résultats de la chromatographie (chromatogramme) témoigne de la présence d’au moins une molécule. On peut ainsi facilement identifier les extraits les plus riches en nombre ou en concentration de molécules, et distinguer les différentes familles moléculaires.
Cela permet d’observer que la Jussie (courbe violette) est une plante riche en molécules phénoliques, l’Arnica chamassonis (courbe noire) est elle riche en flavonoïdes.
Des analyses complémentaires sont effectuées afin d’avoir une estimation quantifiée de ces familles moléculaires.
Le dosage des familles moléculaires ainsi identifiées permet de mettre en évidence les spécificités de chaque plante. Les informations obtenues par ces dosages complètent et confirment les analyses chromatographiques précédentes :
L’analyse des différents organes d’iris permet de montrer que les feuilles sont par exemple plus riches en tanins alors que les racines contiennent plus de composés phénoliques. En effet, pour une même plante mais un organe différent, le contenu moléculaire diffère. Cela est très intéressant dans le cadre de cette démarche de valorisation, en guidant vers l’utilisation de plantes entières (plus facile en terme d’approvisionnement) ou au contraire vers une utilisation spécifique de certains organes car plus riches en molécules ciblées.
Les molécules appartenant aux familles moléculaires de composés phénoliques, flavonoïdes, tanins sont généralement des molécules présentant des activités dites antioxydantes permettant de lutter contre le vieillissement des cellules. Ce sont donc des molécules d’intérêt biologique très utilisées en cosmétique dans les gammes de soin de la peau, en agroalimentaire….
Afin d’évaluer le pouvoir antioxydant de chaque plante, des tests d’activité ont été effectués.
L'activité biologique des extraits a été étudiée par l'UMR PRC par des analyses sur 3 types de cultures cellulaires humaines (épithéliale, endocrine) et animales. Les fonctions biologiques telles que la mortalité, la prolifération cellulaire, la qualité de la barrière biologique, l'inflammation et le stress cellulaire ont été évaluées.
Dans le cadre du test, on a ainsi pu constater que chaque partie de l’Iris des marais possède sa propre activité moléculaire : les racines de la plante ont une plus forte activité que celle des fleurs.
Toutes les plantes de l'étude (Jussie, Souchet, Iris des marais, Molinie bleue, Arnica des montagnes et Fluteau nageant) ont fait l’objet d’un suivi approfondi au niveau de leur contenu moléculaire en modifiant les paramètres de saisonnalité, de lieu de prélèvement et selon les organes des plantes. Après séchage et broyage, des extraits ont pu être réalisés et le contenu moléculaire de ces derniers a été analysé. L’identification des familles de molécules a amené à exploiter plus particulièrement des extraits de Jussie. Ces derniers ont été valorisés dans une première étude comme complément alimentaire potentiel pour le poulet. L’incorporation de Jussie a en effet permis de limiter l’engraissement et d’avoir au niveau sanguin une capacité anti-oxydante accrue.
En plus de la connaissance scientifique sur le contenu des plantes locales sélectionnées pour ce projet, le consortium a réalisé des études de reconnaissance d’espèce (identification des variétés de Souchet présents en région). Des protocoles de mise en culture ont pu également être développés et éprouvés pour la préservation des deux plantes rares (Arnica montana et Flûteau nageant). Enfin une étude pilote a montré qu’en plus de son intérêt ornemental, l’Iris des marais a un caractère épuratoire important sans association avec d’autres plantes, ce qui repositionne son utilisation en phytoremédiation.
Locaflore Centre Val de Loire est un premier projet réunissant une grande diversité d’acteurs (universités, associations, industriels). Il a permis d’avoir une vision globale et circulaire de la valorisation des plantes locales et a montré de manière concrète l’intérêt de la recherche au service de la biodiversité.
Découvrez le projet en vidéo, dans l'encart "à voir" de la colonne latérale !
Flûteau nageant © F. Hergott
Animatrice de l'Observatoire
Agence régionale de la biodiversité Centre-Val de Loire (ARB CVL)
Animatrice territoriale sur les Solutions d'adaptation fondées sur la Nature
Agence régionale de la biodiversité Centre-Val de Loire (ARB CVL)
Acteur
Le Conservatoire botanique national du Bassin parisien est un service scientifique du Muséum National d'Histoire Naturelle.
Acteur
Région Centre-Val de Loire
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Acteur
Le Pôle DREAM Eau & Milieux a vocation à soutenir l'innovation. Il favorise le développement de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) particulièrement innovants dans le domaine des écotechnologies relatives à l'eau et ses milieux.
Acteur
L'Institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA) est une unité mixte de recherche (UMR 7311) entre le CNRS et l’Université d’Orléans. Les axes de recherche développés au sein du laboratoire sont orientés vers la conception, la synthèse et l...
Acteur
FNE Centre-Val de Loire est la Fédération Régionale des Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement en région Centre-Val de Loire.