Découvrez l'histoire de la trogne, ses caractéristiques et surtout son sens de l'accueil de multiples espèces, qui font d'elle un habitat privilégié de la biodiversité !
Ce qui fait la trogne, ce n’est pas l’essence de l’arbre (charme, chêne, saule, frêne, aulne, peuplier, orme, tilleul, érable, platane...) mais sa taille caractéristique qu’on appelle émondage.
Trogne, têtard, têteau, truisse, touesse, trognard, troque, bouillard, gogne, azin, plon, marmentau... Du Berry au Perche, de la Touraine à la Beauce, de la Brenne à la Sologne, rien qu’en Centre-Val-de-Loire, longue est la liste des noms pour nommer cet arbre paysan et même urbain, tant il fait ou faisait corps avec les paysages de la région.
Le terme trogne plongerait ses racines dans les profondeurs de la Gaule ! Voici ce qu’écrit le Glossaire des parlers d’Eure-et-Loir, édité par Société archéologique d’Eure-et-Loir (1999) : Trognes fr. (technique) « arbre mis en têtard » et fr. familier « tête », le moignon de l’arbre étêté étant comparé à une tête humaine. Du gaulois trugna « groin, museau ».
Usité dans le Perche d’Eure-et-Loir et en Loir-et-Cher, le mot trogne est aujourd’hui un terme employé et reconnu dans toute la France, notamment suite au Jardin des trognes réalisé en 1999/2000 par Dominique Mansion au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire et sa suite à Boursay avec la Maison Botanique.
Tailler l’arbre à hauteur pour préserver ses repousses de la dent du bétail assurait au paysan une production régulière de bois, de fourrage ou de fruits compatible avec élevage et cultures. Après chaque émondage, l’arbre repart de la tête grâce à des bourgeons dissimulés sous l’écorce.
Selon le cycle des tailles, l’essence, les besoins, la coupe des rejets avait d’abord valeur d’énergie sous forme de fagots, de bois bûche, de charbon de bois (cheminées, cuisinières, poêles, fours...), et bien d’autres usages : fourrage, perches, piquets, manches, liens, vannerie... S’ajoutent à ces productions multiples, la pérennité de l’arbre, son tronc et son réseau racinaire.
À la différence d’un arbre coupé à sa base, l’arbre étrogné conserve la partie du tronc entre le sol et la première branche, appellé le fût, qui grossit, évolue en se creusant, se complexifie extérieurement et intérieurement. La formation de cavités favorisée par les coupes successives, les complications du tronc et de l’écorce, le renouvellement des coupes favorisent l’accueil de nombreuses espèces animales et végétales (insectes et autres invertébrés, mammifères notamment les chauves-souris, amphibiens, reptiles, flore herbacée et ligneuse, champignons...). Certaines espèces profitent du terreau présent dans les cavités. C’est le cas du rarissime et protégé scarabée Pique-prune dont la larve vit plusieurs années au sein du terreau avant d’émerger comme insecte adulte.
Une étude réalisée dans les Deux-Sèvres révèle que les vieilles trognes hébergent des insectes témoins de nos forêts primaires ! Les trognes sont le nichoir et l’abri de nombreux oiseaux comme la Chevêche d’Athéna, l’Effraie des clochers, la Chouette hulotte, la Huppe fasciée, le Torcol fourmilier, les pics épeiche et vert, le Rouge-queue à front blanc, les mésanges nonnette, bleue, charbonnière...
espèces de plantes
espèces d'oiseaux nicheurs
espèces de chauves-souris
espèces de mammifères
Source : "Les trognes, l'arbre paysan aux mille usages" de Dominique Mansion
L’arrivée des énergies fossiles, la mécanisation de l’agriculture, le déclin de l’élevage..., ont comme ailleurs entraîné la raréfaction des trognes. Aujourd’hui, l’évolution du climat, la nécessité de productions durables et de proximité, l’effondrement de la biodiversité et de nouvelles possibilités de valorisation remettent les trognes sur le devant de la scène. Ces arbres sont un exemple vertueux pour la production régulière de bois déchiqueté : énergie, litière pour le bétail, paillage, amendements... Leur présence forme un cadre de vie productif, porteur d’une biodiversité remarquable. Grâce à la permanence de leur tronc et de leurs racines elles mobilisent du carbone, de même que leurs rejets employés en bois d’œuvre. Les formations trogne qui ont lieu dans la région à la demande des agriculteurs, la notoriété de la Maison Botanique de Boursay, centre européen des trognes, sont le signe du renouveau de ces arbres dans nos paysages.
Chemin des trognes de Boursay ©Dominique Mansion
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