Marie est animatrice nature à la Fédération des chasseurs de Loir-et-Cher. Elle accompagne plus particulièrement de nombreux groupes sur la réserve de chasse et de faune sauvage de Malzoné, au cœur de la Sologne des étangs.
C’est sans aucun doute ce partage et cette transmission qui m’ont conduite vers l’éducation à la nature.
Je suis passionnée de nature depuis mon plus jeune âge. Très tôt, j’ai accompagné mon grand-père à la chasse, ce qui pourrait surprendre, et pourtant, cela a été pour moi une merveilleuse école de la nature, auprès de l’homme de terrain passionné qu’il était, respectueux de toutes les formes de vie dont il savait s’émerveiller et d’une grande connaissance en ornithologie. C’est avec lui que j’ai appris à reconnaître les oiseaux, à les observer dans les marais bretons, dans son jardin (véritable sanctuaire pour les innombrables passereaux), ou encore sur les étangs de Sologne. C’est sans aucun doute ce partage et cette transmission qui m’ont conduite vers l’éducation à la nature.
La passion n’étant pas toujours compatible avec les études, j’ai un parcours un peu atypique et sinueux, mais qui très vite, m’a ramenée vers mes préoccupations premières. C’est ainsi qu’après l’obtention d’un bac littéraire et d’un court passage sur les bancs de la fac d’italien, j’ai pris un virage à 90° : Brevet de Technicienne Agricole en Gestion de la Faune Sauvage et Certificat de Spécialisation en Techniques Cynégétiques à Vendôme, avec un passage révélateur en tant que Guide animatrice nature au Parc ornithologique du Marquenterre (Somme) où j’ai découvert le bonheur de partager et de transmettre ce qui m’anime depuis toujours. C’est donc tout naturellement que j’ai poursuivi ma formation et mon parcours professionnel dans l'animation et l'éducation à l'environnement. La boucle est bouclée ! Voilà 18 ans aujourd’hui que je baigne dans le métier et occupe depuis bientôt 13 ans un poste dédié à l’éducation à la nature au sein de la Fédération Départementale des Chasseurs de Loir-et-Cher. J’y ai trouvé ma place et œuvre toujours avec le même enthousiasme.
Je m’adapte ! Ce n’est pas en soi une « méthode », mais c’est à mon sens le plus important : s’adapter au public, à ses attentes, au milieu, à la saison, à ce que la nature veut bien nous offrir. J’essaye de saisir chaque opportunité, d’apporter un autre regard, de diversifier les approches, pour que chaque sortie soit unique. Je privilégie les découvertes de terrain qui permettent une immersion au contact direct de la nature, et l’accueil de petits groupes pour favoriser l’échange et la proximité avec le public.
Pour moi, accompagner un groupe, c’est progresser avec lui au fil de la sortie, ouvrir son regard, être à l’écoute, éveiller sa curiosité, susciter l’intérêt… Les étapes s’enchainent souvent d’elles-mêmes, sans réellement suivre le canevas prévu au départ, tout dépend du groupe, des rencontres.
Pour moi, accompagner un groupe, c’est progresser avec lui au fil de la sortie, ouvrir son regard, être à l’écoute, éveiller sa curiosité, susciter l’intérêt…
La transmission commence par le partage, l’échange. Pour transmettre, il faut avant tout créer du lien : le lien au groupe, le lien à la nature. J’aime assez l’idée de transmettre des choses très simples : se sentir bien dans la nature, prendre le temps d’observer, d’écouter, de sentir, de toucher, et pourquoi pas de goûter, s’allonger dans l’herbe fraiche, fermer les yeux, apprendre à marcher sans bruit, s’émerveiller d’une rencontre, d’un paysage…
Je touche des publics très variés dont les attentes sont bien différentes. Tout dépend du contexte dans lequel se déroule l’animation : sortie organisée dans le cadre scolaire, activités extra-scolaires, programmation pour le grand public, accueil de locaux, touristes, groupe d’amis, etc. Pour certains, c’est découvrir une région, un milieu, une espèce, pour d’autres c’est vivre tout simplement un moment de pleine nature, prendre un bon bol d’air, partager, échanger, s’amuser, créer, se retrouver, apprendre, etc.
En termes de retours, j’apprécie les échanges directs, la spontanéité, j’aime voir des sourires, des yeux qui pétillent, de l’enthousiasme. Mais certains écrits avec une photo souvenir, un petit message de sympathie, un dessin sont une reconnaissance et une marque amicale qui me vont droit au cœur. La confiance s’exprime aussi par la demande de conseils. Quant à la fidélisation de certains, elle crée des liens uniques, fort sympathiques.
[...] mais cela reste le fait de ceux qui ont un minimum de connaissances et qui ne vont pas dans la nature comme on va au spectacle ou au zoo…
Pour ce qui est des comportements, je dirais que des explications claires permettent d’adopter une attitude responsable, d’accepter la nature telle qu’elle est, de mieux la comprendre pour savoir saisir l’instant, tout en respectant les lieux et la faune. Ne pas promettre la rencontre animale, car la nature se donne avec parcimonie. Dans notre société de consommation, c’est le message que j’essaye de transmettre et je suis assez bluffée du résultat. Donc oui, je pense que certains comportements évoluent… mais cela reste le fait de ceux qui ont un minimum de connaissances et qui ne vont pas dans la nature comme on va au spectacle ou au zoo… Il y a encore du travail quand on voit ne serait-ce que ce que les gens balancent de la fenêtre de leur voiture, alors qu’aujourd’hui, qui peut ne pas avoir conscience des problématiques environnementales ?
Je dirais en les guidant, tout en les laissant chercher, s’exprimer, choisir, expérimenter, s’impliquer. Pouvoir être acteur de ses propres découvertes révèle souvent l’envie d’aller plus loin, de prolonger l’expérience, de la partager. Être acteur peut prendre plusieurs formes. Ce peut être participer concrètement à une action écocitoyenne, comme l’opération de nettoyage « J’aime la Loire propre ». C’est aussi laisser la possibilité au groupe d’exprimer ses envies, ses souhaits pour réaliser un projet qui lui ressemble ou découvrir des choses auxquelles il n’a pas encore eu accès. C’est l’impliquer dans les découvertes, c’est-à-dire ne pas tout dire, ne pas tout montrer, mais plutôt le laisser chercher et s’imprégner de son environnement. C’est créer de l’interactivité. Animer prend alors tout son sens. C’est enfin lui donner la possibilité d’être acteur au-delà du temps d’animation, dans sa vie de tous les jours.
Chaque saison est propice à la découverte, à l’émerveillement.
J’aime l’hiver, lorsque les paysages sont gelés et qu’il fait un bon froid sec, un froid piquant, mais sain, qui offre souvent une ambiance lumineuse superbe, de bon matin. C’est le temps idéal pour observer les milliers d’oiseaux d’eau en hivernage à l’étang de Malzoné, réserve de chasse et de faune sauvage dans le Loir-et-Cher.
J’aime le printemps où la vie s’éveille à nouveau, ce temps où l’on guette avec impatience le retour du coucou, du loriot, des hirondelles dans nos villages et de tous ces voyageurs à plumes qui annoncent les beaux jours. Saison propice à de nombreuses découvertes, autant qu’à la détente et à la flânerie entre forêt et étangs… prendre le temps.
J’aime l’été, quand il n’est pas trop chaud. C’est le temps des vacances et donc des stages nature organisés à la Maison de la Chasse et de la Nature à Montrieux-en-Sologne. A pied ou à vélo, mais toujours dehors pour découvrir les traces, faire des cabanes, grimper aux arbres, pêcher, observer, etc. Que de bons moments de partage, de souvenirs à construire avec les enfants.
J’aime enfin l’automne, peut-être plus encore que les autres saisons, tant les couleurs et les ambiances sont belles, tant la nature nous invite à utiliser nos sens : écouter le brame, sentir le parfum d’un sous-bois humide, repérer les empreintes dans la boue, partir avec son panier pour une cueillette de champignons, jouer avec les couleurs et créer une œuvre éphémère, participer à une pêche d’étang, etc.
Je crois que chaque saison nous invite à vivre la nature, et, à l’heure où trouver des tomates et des cerises au mois de décembre devient banal, cette notion de cycle remet les choses en place. Sortons en toutes saisons !
Ils sont nombreux ces souvenirs, ils s’entassent, mais certains restent intacts. Parmi eux, je crois que l’aventure humaine est la plus belle, associée à ces instants de partage qui donnent tout son sens à mon métier.
Je m’attarderai juste sur cette matinée, un jour de mai. J’attendais une classe de CM sur le bord d’un étang, en Sologne. Les élèves se déplaçaient à vélo et avaient du retard, ce qui m’avait laissé le temps d’observer ce qui se passait sur l’étang. Pas besoin de regarder bien loin : là, juste devant moi, le long des phragmites, une larve de libellule, fraichement sortie de l’eau, escaladait la longue tige. Je l’ai observée, jusqu’à ce qu’elle s’immobilise pour entamer sa transformation et, lentement, je l’ai vue sortir de sa prison, pour enfin s’épanouir et prendre son envol. C’est ça la magie d’un instant ! D’autres, à leur tour, entamaient ce voyage. Incroyable ! Puis les enfants sont arrivés et, après les avoir accueillis, je leur ai dit qu’ils avaient beaucoup de chance, car aujourd’hui, naissaient les libellules, que c’était un instant magique. Et j’ai souvenir de leur avoir transmis cette capacité à s’émerveiller, à saisir, ce que, ce jour-là, la nature avait décidé de nous offrir. Ils avaient bien compris que ce moment était unique et qu’il fallait en profiter, là maintenant, et ils ont vécu quelque chose d’extraordinaire à mon sens que j’ai eu un immense plaisir à partager avec eux.
[...] je leur ai dit qu’ils avaient beaucoup de chance, car aujourd’hui, naissaient les libellules, que c’était un instant magique.
Marie Schricke-Doyen