L’eau est une ressource essentielle aux sociétés humaines et très tôt, elles en ont exploité la force. Les travaux qui en ont découlé ont perturbé le fonctionnement hydrologique naturel du cours d'eau et les fonctions écologiques qui y sont liées. L'indicateur produit par l'Observatoire fournit les cartographies, à l'échelle régionale, de la densité d'ouvrages par cours d'eau, de l'effet barrière (taux de fractionnement brut) et de l'effet retenue (taux d'étagement) qui s'exercent sur eux. Ce sont ces 3 indices qui permettent de qualifier la pression exercée par les obstacles à l'écoulement sur un territoire.
Les premiers moulins à eau apparaissent il y a plus de 2 000 ans et évoluent vers les moulins hydrauliques familiaux. Les grands ouvrages hydrauliques pour l’hydroélectricité sont construits à partir de la fin du 19è siècle. Ces barrages ont de lourdes conséquences sur la libre circulation des poissons migrateurs et des sédiments.
En 1865 est rédigée une première loi sur les " échelles à poissons" et en 2006, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (loi LEMA) impose le franchissement des ouvrages par les espèces et les sédiments pour assurer la continuité écologique.
La notion de continuité écologique des cours d’eau est introduite en 2000 par la Directive cadre sur l’eau (DCE).
La continuité écologique se définit comme « la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur cycle de vie, le bon déroulement du transport naturel des sédiments ainsi que le bon fonctionnement des réservoirs de biodiversité »
La continuité écologique est nécessaire pour assurer le fonctionnement naturel de l’écosystème aquatique. Un cours d’eau se déplace au fil des crues, par des alternances d’érosion et de dépôts de sédiments. Ces derniers, emportés par les courants puissants puis déposés sur des zones calmes, assurent la dynamique du cours d’eau. Si les sédiments sont bloqués en amont par un barrage, l’érosion ne sera plus compensée par les fins limons, sables et graviers, et s’en trouvera accentuée à l’aval, entraînant des phénomènes de creusement des berges, jusqu’aux problèmes d’érosion des côtes et des plages.
La libre circulation des espèces est importante pour assurer un cycle de vie complet. Les poissons migrateurs, comme le saumon et la truite de mer, remontent les cours d’eau vers l’amont pour se reproduire. Les autres espèces aquatiques dépendent aussi de la diversité des habitats (rendue possible par la dynamique naturelle des cours d’eau), pour se reproduire et pondre (beaucoup de frayères correspondent à des zones de courants sur des hauts fonds de cailloux et graviers).
Les obstacles à la continuité écologique, causés par les ouvrages transversaux, se répercutent donc sur la faune, la flore et l’habitat mais aussi sur les activités humaines (affouillements, débordements, altération des eaux).
Le terme « ouvrage transversal » distingue plusieurs catégories, notamment les seuils qui barrent le lit mineur d’un cours d’eau, d’une hauteur généralement inférieure à 5 m et les barrages, qui barrent le lit majeur, d’une hauteur souvent comprise entre 5 et 20 m (au-delà on parle de grands barrages). Le Code de l’environnement définit le cas où un ouvrage constitue un obstacle à la continuité écologique (article R.214-109). Il doit répondre à une des caractéristiques suivantes :
Les obstacles à l'écoulement permettent d'évaluer les pressions s'exerçant sur les milieux aquatiques.
Au 20 octobre 2020, 103 867 obstacles à l’écoulement ont été recensés en France, soit une moyenne d’1 obstacle tous les 6 km (source : Observatoire national de la biodiversité).
en France (ONB, 2023)
en Seine-Normandie (AESN)
en Loire-Bretagne (SDAGE Loire-Bretagne, 2017)
en Centre-Val de Loire (ORB, 2022)
L'eau est essentielle à la vie sur Terre. Grâce au soleil qui provoque l'évaporation, le cycle physique se met en place. L'évaporation des zones en eau (mers, lacs, étangs, marais...) sous l'effet des rayonnements solaires permet un dégagement de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Cette évaporation s'additionne à l'évapotranspiration induite par la végétation. Toute cette vapeur d'eau, sous l'effet du refroidissement, se condense en nuages remplis de gouttelettes (mais aussi en rosée, en givre...). Une fois saturés en gouttelettes, ces nuages donnent lieu à des précipitations : pluie, neige ou grêle.
Les précipitations permettent l'alimentation en eau des lacs, étangs, mares, rivières, végétaux..., mais aussi par l'infiltration dans les sols, à l'alimentation des nappes souterraines. L'eau circule dans les roches et sur terre. Ce ruissellement qu'il soit souterrain ou superficiel, contribue à alimenter en eau les mers et océans et au passage les rivières, les marais, les tourbières, les végétaux... Puis, sous l'effet du soleil, ces zones en eau s'évaporeront, les végétaux transpireront et le cycle redémarre !
C’est une notion primordiale : les végétaux et les zones en eau (à la fois aquatiques et humides), assurent l’évaporation ou l'évapotranspiration qui engendrent une condensation et des précipitations. Sans ces précipitations, pas d’infiltration et pas d'alimentation de nappe phréatique dans lesquelles nous puisons notre eau potable.
Les obstacles à l’écoulement concourent à la fragmentation des cours d’eau et altèrent la bonne circulation de l’eau, des sédiments, de la faune et flore aquatique. La répartition des obstacles à l’écoulement en Centre-Val de Loire couvre tout le territoire. La Loire est peu marquée par ces obstacles, illustrant ici son appellation de fleuve sauvage dû à un écoulement libre. Il n’y a en effet pas d’aménagement en seuils successifs pour la navigation, seuls sont présents les seuils associés aux centrales nucléaires.
Les obstacles à l’écoulement sont qualifiés par 3 indices :
Ces 3 indices sont développés ci-après d’après le référencement de la base SYRAH1 (la méthodologie est explicitée dans les documents à consulter). Sur les 10 000 km de cours d’eau que compte la région, 9 878 km sont référencés dans la base (excepté le taux d’étagement calculé sur 6 724 km).
1 Système Relationnel d'Audit de l'Hydromorphologie des Cours d'Eau
La densité d’ouvrages, recense le nombre d’obstacles le long d’un cours d’eau. En Centre-Val de Loire, 4 036 ouvrages sont répertoriés dans la base, soit 1 ouvrage tous les 2,4 km en moyenne.
Le taux de fractionnement brut, rapporte le cumul des hauteurs de chutes artificielles au linéaire de cours d’eau. Il indique l’altération des conditions de circulation des espèces aquatiques le long des cours d’eau ; c’est l’effet « barrière » des ouvrages. Ce taux s’exprime en pour-mille (‰). Plus le taux est élevé, plus le cours d’eau est compartimenté -au-delà de 0,8 ‰, les cours d’eau sont très impactés- et l’impact est d’autant plus fort que les cours d’eau sont faiblement pentus (cas du Centre-Val de Loire).
En région, 13 % des cours d’eau sont concernés par un taux de fractionnement supérieur à 0,8 ‰.
Le taux d’étagement, représente la perte d’écoulement engendrée par les obstacles et leur hauteur, on parle ici d’effet « retenue ». Il faut imaginer qu’avec une succession d’obstacles créés par les humains, le cours d’eau est transformé en une sorte d’escalier, chaque marche formant un plan d’eau et chaque hauteur de marche, une chute.
Le taux d’étagement est calculé par le cumul des hauteurs de chutes artificielles, divisé par le dénivelé naturel du cours d’eau. Il s’exprime en pourcentage. Sur le territoire, 34 % des cours d’eau ont un taux d’étagement supérieur à 40 %. Ce taux est un objectif seuil à titre indicatif : si plus de la moitié de la masse d’eau n’est pas libre alors la probabilité de retrouver un bon état est faible voire nulle.
En région, les cours d’eau de l’Eure et du Loir sont particulièrement touchés par l’étagement, ainsi qu’une partie de l’Essonne, l’Indre, l’Yèvre, la Creuse, l’Anglin, la Claise, le Beuvron....
Les cours d’eau du Centre-Val de Loire présentent des pentes faibles ainsi que des débits généralement limités. Leur puissance est donc faible. Ces rivières de plaine et petits cours d’eau à très faible énergie offrent des conditions d’intervention faciles pour l’aménagement hydraulique et l’accès à l’eau, ce qui a favorisé leur aménagement progressif à travers la construction de nombreux petits barrages, seuils artificiels et autres voies de franchissement. Nous héritons ainsi d’un réseau hydrographique très fractionné et souvent transformé en retenues d’eau sur de grands linéaires (taux d’étagement et de fractionnement élevés). Seuls la Loire et le Cher en amont de St-Aignan ont échappés à cette pression d’aménagement.
Dans un contexte d’aménagements des territoires pour une adaptation au changement climatique, la continuité écologique est une notion d’importance. Dans sa forme non altérée, un cours d’eau possède des fonctions dites « écosystèmiques » fondamentales pour la société humaine, avec des bénéfices essentiels :
Le lit naturel d’un cours d’eau est composé d’un lit mineur et d’un lit majeur. Ce dernier est adapté pour recueillir les crues, favoriser le ralentissement des écoulements et l’infiltration des eaux. C’est en effet le débordement dans la plaine qui permet d’atténuer les conditions extrêmes du régime des eaux. Ces débordements permettent de plus la création de milieux humides (caractérisées par une alternance de périodes d’assec et en eau) qui fournissent elles aussi de nombreux services, dont la filtration de l’eau.
La présence des ouvrages inventoriés dans la région ne permet pas de gérer les crues. Les retenues d’eau en amont des seuils, étant déjà pleines d’eau au moment des forts épisodes pluvieux, ne peuvent stocker les volumes d’eau supplémentaires. Aussi il est préférable de mener une réflexion de gestion hydrologique à l’échelle du bassin versant, et non par entité administrative, avec une solidarité amont-aval entre les territoires. Les contrats territoriaux portés par les syndicats de rivière œuvrent en ce sens. Cette thématique fait l’objet d’un autre indicateur intitulé « gestion des milieux aquatiques ».
Malgré la compilation des différentes sources de données (provenant de la Base de données des obstacles à l’écoulement (BDOe), du Référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE) et de l’Information sur la continuité écologique (ICE)), 34 % des ouvrages n’ont toujours pas de hauteur de chute renseignée. Pour ces ouvrages sans dimension -et en attendant la correction de terrain-, la solution retenue consiste à leur attribuer une valeur modélisée (médiane) selon leurs caractéristiques.
*Le groupe de travail de l'Observatoire est composé des co-pilotes (Région, DREAL et la DR OFB) et des animateurs et animatrice des pôles Faune, Flore&Habitats et Gestion des milieux naturels
Rivière la Cléry (45) ©J. Prosper
Animatrice territoriale sur les milieux aquatiques
Agence régionale de la biodiversité Centre-Val de Loire (ARB CVL)
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Agence régionale de la biodiversité Centre-Val de Loire (ARB CVL)
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